LA question de la sécurité alimentaire n’a jamais été posée avec autant d’acuité. Les conflits armés, la raréfaction des ressources naturelles, les politiques monopolistiques de certains donneurs d’ordre internationaux, ainsi que les pratiques humaines peu écologiques ont affecté sérieusement la production alimentaire et ont fini par créer des ruptures significatives dans les matières premières, notamment de base.
A ce tableau, il convient d’ajouter le facteur extrême du changement climatique qui devrait se poursuivre les décennies à venir. Ce processus, assez fréquent et de plus en plus grave, a impacté sérieusement toute la chaîne agricole et surtout aggravé le sentiment, bien justifié, d’insécurité alimentaire. Les derniers rapports de la FAO parlent déjà de plus de 700 millions de personnes sous-alimentées et des millions de terres productives perdues.
Face à ces indicateurs qui témoignent de la gravité de la situation, les Etats n’ont pas tardé à placer cette question au cœur de leurs préoccupations avec le souci de contourner, sinon de réduire ses effets directs.
La Tunisie, consciente de l’ampleur de cette menace, a cherché à mettre en place un plan de riposte pour minimiser les dégâts. Ainsi, tous les regards se sont-ils orientés, en premier lieu, vers l’agriculture : principal secteur en mesure, une fois revalorisé, de lutter contre l’insécurité alimentaire. L’objectif prioritaire de nos décideurs a consisté alors à améliorer la résilience de notre système agricole et à renforcer sa capacité à s’adapter aux nouvelles tendances climatiques. Cette exigence nécessite toutefois la mise en œuvre de programmes spécifiques à la valorisation de nouvelles techniques, notamment l’agriculture intelligente, et donc durable.
L’option pour cette culture intelligente est d’autant plus stratégique qu’elle permet, comme l’attestent les experts de la FAO, « de produire plus avec moins de moyens, d’accroître le rendement grâce à une utilisation rationnée des ressources naturelles et des intrants et à une meilleure gestion de l’environnement ». Elle permet également d’établir « un lien fondamental entre les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement à travers les échanges d’informations fiables et de qualité qui contribuent à une meilleure prise de décisions ».
En plus clair, cette agriculture « aide les agriculteurs à mieux cerner certains facteurs essentiels tels que l’eau, la topographie, l’orientation, la végétation et la nature du sol. Ils peuvent ainsi déterminer comment utiliser de manière optimale certaines ressources rares dans leur environnement de production et les gérer de manière durable sur les plans environnemental et économique ».
Un tel enjeu nécessite, par conséquent, une politique d’assistance financière et technique appropriée, à travers surtout l’amélioration du niveau des investissements et le développement de la recherche scientifique. La politique d’assistance devrait concerner, bien entendu, les grands producteurs, mais aussi et surtout les petits agriculteurs, beaucoup plus vulnérables face aux chocs climatiques.
Cependant, l’on reconnaît qu’avec une dette publique trop élevée, les possibilités de financement de l’Etat sont plutôt complexes et les marges de manœuvre budgétaires sont très réduites. De ce fait, le rôle des institutions financières internationales est capital pour combler le déficit budgétaire.
Certes, la Banque africaine de développement a mobilisé une enveloppe de 10 milliards de dollars pour la promotion de l’agriculture durable en Afrique, tout au long de la période 2023-2028, mais cela reste insuffisant. Il faut donc une implication beaucoup plus large des partenaires de la Tunisie, d’autant que la sécurité alimentaire est une question planétaire.